Lecture et adolescence

Les adolescents d'aujourd'hui ne lisent guère et peut-être ne savent plus lire. Les enquêtes et les sondages, les observations des enseignants et des bibliothécaires apportent sur ce point des témoignages convergents. Mais l'extension même de la crise, ses symptômes et ses causes demeurent trop souvent mal connus. La lecture des adolescents, dans ses formes et dans ses objets, nous échappe. Quant à leur «non-lecture», elle est interprétée tantôt comme l'effet d'une lassitude passagère (née de quelle saturation?), tantôt comme le signe d'une aversion définitive à l'égard de la civilisation de l'imprimé. Quelle place occupe donc l'objet-livre dans la vie des adolescents? Comment est-il perçu par eux?

L'éloignement à l'égard du livre en général est plus sensible encore vis-à-vis de la littérature. Le livre, quel qu'il soit, est assimilé au livre de classe, obligatoire, donc ennuyeux. Les lycéens formulent du reste à F encontre des textes au programme un même grief: ils les jugent trop anciens, trop éloignés de l'actualité. Un poète comme Baudelaire leur paraît échappé d'une lointaine préhistoire. A la limite, ce type d'attitude conduit à un refus de la dimension historique.

La crise de la lecture se marque, qui plus est, par le choix de nouveaux objets où l'image tend de plus en plus à supplanter le texte. Aux romans, aux essais, les jeunes préfèrent les magazines illustrés, les bandes dessinées et, s'ils appartiennent aux milieux défavorisés, les photos-romans. Jamais le culte de l'image n'a réuni autant d'adeptes: tandis que les enfants réclament des dessins animés, des spots publicitaires, les adolescents collectionnent les affiches et les posters.

Chez ceux d'entre eux qui, nonobstant cette évolution, sont restés des lecteurs, c'est le mode de lecture lui-même qui trop souvent apparaît dégradé. On lit pour se distraire ou pour passer le temps, d'où le succès de cette littérature «essènecéef»* dont parle Frédéric Dard et la multiplication des séries où l'on retrouve d'un volume à l'autre le même personnage. Ou bien on cherche dans le livre une satisfaction affective, la source! d'un plaisir diffus: l'essentiel c'est d'être «branché», pour reprendre un mot à la mode. Mais dans cette lecture qui refuse l'analyse, la qualité de l'oeuvre est rarement prise en considération.

Ces quelques réflexions illustrent le déclin relatif du livre dans la vie et dans les loisirs des adolescents. Leurs lectures morcelées, occasionnelles, indifférenciées dans leur objet - quand elles ne sont pas inexistantes -, le succès d'une paralittérature où l'image est omniprésente montrent bien que le paysage mental des lycéens s'est en quelques décennies profondément modifié. Le livre n'est plus, hors de l'école, l'instrument privilégié de l'acquisition d'un savoir, la lecture n'est plus l'occasion d'une exploration véritable.

B. Brécout, Les Adolescents et la crise de la lecture.

* Littérature «essènecéef»: littérature de grande

 

Texte № 2

LE STATUT DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ PROGRESSIVE

Le statut de la femme et le contexte culturel dans lequel la société la perçoit et traite avec elle sont des éléments révélateurs du progrès. En effet, ces éléments sont peut être parmi les plus précis pour évaluer le progrès d'une société ou son retard. A ma conviction profonde que la femme est (au moins) égale à l'homme à tous les points de vue, s'ajoute ma certitude que le danger le plus grave d'une mentalité «macho» qui déprécie la femme, provient de cette mentalité elle-même. En d'autre termes, une société qui n'égalise pas totalement l'homme et la femme est non seulement une société rétrograde, arriérée en culture et en sciences contemporaines, injuste - donc en violation des droits humains de base, ce qui mérite plus que la condamnation - mais c'est aussi une société où, à cause de cette mentalité «macho», il est impossible de surmonter les obstacles au progrès.

Je n'ai aucun doute que le machisme est la récolte de manque de confiance en soi. Un homme sûr de lui-même, de son esprit, de ses idées, de son être, ne recherche pas le besoin d'affirmer sa supériorité à la femme. Mon expérience avec les jeunes m'a appris que les moins doués sont, en général, les plus chauvins du machisme qui relègue la femme à un statut inférieur à celui de l'homme. Il est compréhensible qu'à celui qui a failli à l'extérieur, il ne reste que le succès artificiel de dominer à l'intérieur de son petit cercle privé.

L'observation rigoureuse de l'attitude des femmes et des hommes que j'ai côtoyés au travail pendant de longues années me confirma une relation indirectement proportionnelle entre le manque de confiance en soi chez l'homme, et son acceptation que la femme lui est égale dans tous les domaines, et lui est même supérieure dans certains; car si la femme est égale à l'homme comme être humain, elle le surpasse en tant que mère et première enseignante de l'humanité.

Il est futile, voire absurde, que certains se réfèrent à des textes religieux, car il existe aussi d'autres textes qui affirment l'humanité totale de la femme et l'équité des deux sexes. D'autre part, ce n'est pas dans le texte que se trouve la morale, mais dans l'esprit qui interprète ce texte. Ainsi, la vraie source que certains considèrent faussement comme un appui religieux à la supériorité de l'homme, est en effet une source d'histoire humaine générale, à une époque dépourvue de civilisation et d'humanité, et particulièrement d'histoire Bédouine/tribale; tout cela n'a rien à voir avec la religion. Il n'en est de plus grande preuve que nul ne s'intéresse à exposer les spécificités de la première vie conjugale du Prophète de l'Islam qui, en plus d'être un modèle d'égalité humaine totale des deux partis, fut aussi un modèle de plusieurs autres aspects que l'extrémiste, par sa nature, refuse de concevoir, tels que l'épouse ayant le droit de divorce, et l'époux ne prenant pas de seconde femme.

La première personne à avoir mérité le prix Nobel de sciences plus d'une fois fut une femme, Madame Curie. Ce fait (parmi tant d'autres) suffit à réduire au silence tout rabâcheur de ces idées rétrogrades de la supériorité du «mâle» à la «femelle». La majorité des croyants à cette supériorité illusoire partageraient probablement mon avis, qu'ils seraient bien embarrassés s'ils étaient comparés à cette dame brillante, dont le génie, l'intelligence, le savoir et le succès les dépassent de milliers d'années lumière; à qui dira que Madame Curie n'est que l'exception qui confirme la règle, on répliquera que les hommes ont lié les femmes pendant des siècles et prétendent maintenant qu'elles sont incapables de mener la course. Ma position de Chef de la Direction d'une corporation multinationale géante employant des milliers de femmes et d'hommes m'a confirmé que non seulement il n'y a aucune preuve de la supériorité masculine dans les domaines de l'éducation, du travail, de la gestion et de la direction, mais aussi que la supériorité féminine se fait plus évidente, à cause du défi et de la volonté des femmes de s'affirmer.

Récemment et pour la première fois, une femme fut nommée juge à la Cour Constitutionnelle Suprême; ceci représente un grand pas vers la civilisation moderne, qui cependant, doit être complété. La nomination de femmes à tous les échelons des emplois judiciaires est le seul moyen garantissant la fin de cet affront aux normes de la civilisation contemporaine; dans lequel cas, au bout de vingt ans, on aurait un système judiciaire formé de 50% de femmes. Cette situation normale devrait régner dans tous les domaines, car une société qui limite les postes importants aux hommes est une société qui réduit ses capacités intellectuelles et productives à la moitié. Il ne faudrait donc pas s'étonner si cette société ne progresse pas; comment un estropié d'une jambe peut-il courir?

Toute société percevant la femme d'un œil non-civilisé s'ingénie à trouver des sources et des références pour soutenir sa perception rétrograde; cette perception n'est pourtant ni religieuse ni légale, elle n'est que purement culturelle. Ceci signifie que lorsque l'environnement éducatif/culturel d'une société s'élève au niveau de la civilisation contemporaine, la façon de percevoir la femme s'élève également, au-delà de la question rétrograde par sa nature: «la femme est-elle égale à l'homme?

Je tiens à signaler que la tragédie de la culture machiste (rétrograde et arriérée) qui a frappé certaines sociétés est un mal qui n'a pas seulement touché les hommes, bien que ceux-ci en soient la source et les ultimes bénéficiaires dans leurs cercles privés; ce mal a aussi atteint un grand nombre de nos femmes et de nos jeunes filles qui sont devenues des mères imbibant leur progéniture de cette mentalité que je ne peux décemment qualifier que de rétrograde et d'inconvenable au progrès, au modernisme, à la science et à la civilisation contemporaine.

 

Texte № 3


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