Les droits de famille

Constituant une cellule de la société, la famille est juridiquement organisée. Certains de ses membres sont investis d'une autorité particuliиre, actuellement répartie de façon égalitaire entre les père et mère. Ceux-ci disposent de droits résultant de l'autorité parentale que la loi leur accorde sur la personne de leurs enfants mineurs. Dans la mesure où les droits découlant de l'autorité parentale sont relatifs à la personne de l'enfant, il s'agit de droits extrapatrimoniaux. Mais lorsqu'ils concernent les biens du mineur, ils revêtent nécessairement un caractère patrimonial (ex.: droit de jouissance légale attribué aux père et mère: art. 382 et s.)

LES DROITS DE LA PERSONNALITÉ

Bien qu'inhérents à la personne humaine placée au sein de la société, les droits de la personnalité ne constituent pas une catégorie très nettement définie. Certains d'entre eux ont été reconnus de longue date (ex.: droit à l'intégrité physique, droit à l'hon­neur...), mais d'autres n'ont été légalement consacrés que tardivement (ex.: droit au respect de la vie privée - loi du 17 juillet 1970 donnant à l'article 9 du Code civil sa rédaction actuelle). L'existence de sanctions pénales, notamment en cas d'atteintes à l'intégrité physique, ou encore en cas d'imputations diffamatoires, démontre l'importance que le législateur attache au respect de ces valeurs.

Sont rangés parmi les droits de la personnalité: le droit à l'intégrité physique, le droit au respect de la vie privée, le droit au nom, le droit à l'honneur, le droit à l'image, ou encore le droit moral de l'artiste sur son œuvre.

La reconnaissance de tels droits a principalement une vertu défensive: du fait que chacun en bénéficie automatiquement, en sa qualité de personne humaine, l'avantage qui en résulte n'apparaît qu'au cas où il est porté atteinte à l'une de ces prérogatives. Il faut alors constater que les sanctions autres que pénales sont limitées; il s'agira le plus souvent d'une indemnité réparatrice: à titre de compensation, la victime recevra une somme d'argent. On quitte alors le domaine extrapatrimonial, car cette créance entre dans le patrimoine. Mais ce glissement dans la catégorie des droits patrimoniaux n'est dû qu'à l'impossibilité pratique d'assurer d'une autre manière la sauvegarde des droits de la personnalité.

Le droit à l'intégrité physique

Chaque individu a le droit de protéger son corps contre toute atteinte; chaque individu possède un droit intangible sur son corps. Le principe du droit à l'intégrité physique repose sur les caractères inviolable et indisponible du corps humain. Le corps ne peut subir aucune atteinte.

Pendant très longtemps, on a considéré que le corps humain était hors du commerce. Il ne pouvait pas faire l'objet de conventions. Aujourd'hui, le principe est moins rigoureux. Le corps humain et ses organes peuvent, sous certaines conditions, faire l'objet de conventions

En cas d'atteinte à l'intégrité physique d'une personne, des sanctions pénales et des sanctions civiles sont prévues. Les atteintes au corps humain d'autrui sont sanctionnées pénalement. Le droit pénal prévoit également des sanctions pour les atteintes involontaires à l'intégrité physique d'une autre personne. Les coups et blessures involontaires sont donc pénalement sanctionnés. Sur le plan civil, celui qui pone atteinte à l'intégrité physique d'autrui est généralement condamné à verser des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil: celui qui cause par sa faute un préjudice à autrui est tenu de le réparer.

Le droit à l'intégrité morale

Parallèlement, au droit à l'intégrité physique, il existe un droit à l'intégrité morale. On regroupe sous ces termes différents attributs dont chaque personne est dotée: le droit au respect de la vie privée, le droit à l'image, le droit à l'honneur, le droit au respect de la présomption d'innocence.

Le droit au respect de la vie privée

Chaque personne a une vie privée, une intimité qu'elle a le droit de garder secrète. C'est ce qui résulte de l'article 9 du Code civil: «Chacun a droit au respect de sa vie privée.» L’ article 8 alinéa 1er de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales dispose: «Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domi­cile et de sa correspondance.»

La notion de vie privée

En l'absence de définition normative: ni l'article 9 du Code civil ni l'arti­cle 8 de la CEDH ne précisent le contenu et l'acception de la notion de vie pri­vée, la jurisprudence interne, relayée par celle de la Cour européenne des droits de l'homme, a défini les contours de cette notion, l’influence de la Cour européenne est considérable, dans ce domaine.

Sur le fondement de l'article 8, comme sur celui de l'article 14, les magistrats strasbourgeois incitent le législateur, au nom du respect de la vie privée et familiale, à promouvoir un droit civil de la famille et des personnes qui accorde davantage de place à la liberté individuelle.

Définir les contours de la notion de vie privée s'est révélé particuliиrement difficile et ce, pour trois raisons:

- il s'agit d'une notion relative qui recouvre un nombre important de com­posantes. Faut-il inclure dans la vie privée la vie familiale, sentimentale, la santé, le patrimoine...?

- la notion de vie privée est évolutive, ses composantes varient selon le contexte temporel et spatial;

- il s'agit enfin d'une notion subjective, la vie privée faisant l'objet d'une appréciation au cas par cas.

Aujourd'hui, la jurisprudence et la doctrine s'accordent à reconnaître que la vie privée recouvre: la vie familiale, la vie sentimentale et sexuelle, le domi­cile, le droit à l'image, le patrimoine, les convictions religieuses et morales, la santé et les loisirs. Tous ces éléments n'ont pas à être divulgués, ils constituent la sphère d'intimité de chaque individu. Les personnes morales ont également droit au respect de leur «vie privée», notamment droit au respect de leur siège social, considéré comme leur domicile. La voix constitue également un élément de la vie privée et bénéficie, à ce titre, de la protection prévue par l'article 9 du Code civil. La jurisprudence exige cependant que la voix puisse être rattachée à une personne et permette de l'identifier.

La notion de vie privée pose de nombreuses questions auxquelles la jurisprudence s'efforce de répondre.

Le droit à l'image

Chacun a droit à ce que son image ne soit ni reproduite ni publiée sans son autorisation. Le droit à l'image est un droit autonome, distinct du droit au respect de la vie privée. Une atteinte au droit à l'image peut ainsi être constituée indépendamment d'une atteinte au respect de la vie privée. Publier la photographie d'une personne publique à des fins commerciales ou publicitaires, sans son autorisation, constitue ainsi une atteinte au droit à l'image et non une atteinte à la vie privée. Une telle atteinte est réparée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, droit commun de la responsabilité civile délictuelle.

Inapplication de l'article 9 du Code civil suppose que l'atteinte au droit à l'image se cumule avec une atteinte à la vie privée. Cette hypothèse est extrêmement fréquente. La jurisprudence est souvent saisie de litiges relatifs à des photographies surprenant des stars dans leur intimité. La publication de telles photos, prises sans autorisation, constitue une atteinte au droit à l'image et une violation du droit au respect de la vie privée des personnes qui y figurent. La jurisprudence a fixé une condition pour pouvoir reproduire l'image d'autrui sans porter atteinte au droit que chaque personne possède sur son image: la reproduction de l'image d'autrui par une photographie, un dessin... nécessite l'autorisation de cette personne. Comme pour le droit au respect de la vie privée, cette autorisation peut être expresse ou tacite mais ne se présume pas. Lautorisation est tacite pour les personnes publiques paraissant dans un lieu public, comme l'a précisé la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 25 mai 1987: «la diffusion d'un cliché par voie de presse représentant les artistes du spectacle dans leur activité professionnelle ne requiert aucune autorisation spéciale dès lors que la publication ne constitue pas un détournement...».

En dehors de cette hypothèse d'une personne publique paraissant dans un lieu public, le droit à l'image permet à toute personne, fût-elle artiste du spectacle, de s'opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image attribut de sa personnalité. Ainsi, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler qu'un monarque a, comme toute autre personne, droit au respect de sa vie privée et peut s'opposer à toute diffusion de son image dès lors qu'elle ne le représente pas dans l'exercice de la vie publique.

Peu importe que la personne se trouve dans un lieu public, il y a atteinte au droit à l'image, dès lors qu'elle apparaît isolément grâce au cadrage réalisé par un photographe.

L’autorisation de la personne ne vaut que pour une situation bien précise. La jurisprudence interprète strictement la portée de l'autorisation. Ainsi, la diffusion d'un cliché en dehors du contexte dans lequel l'autorisation avait été donnée peut constituer une atteinte au droit à l'image. Appliquant ce principe, la jurisprudence a estimé qu'une actrice qui avait accepté de poser nue pour la publicité d'un produit cosmétique était fondée à poursuivre pour atteinte à l'intimité de la vie privée, sur le fondement de l'article 9 du Code civil, un périodique spécialisé dans le nu qui avait reproduit les clichés de cette actrice à des fins étrangères: la promotion publicitaire. La publication dans une brochure électorale d'une photographie, prise dans le cadre d'une manifestation sportive et publiée avec autorisation dans la presse locale, constitue une atteinte au droit à l'image dès lors qu'elle n'a pas été expressément autorisée à cette fin. Les mêmes règles valent pour la voix. L'individu possède un droit sur son image, mais également un droit au respect de sa voix.

Lorsque l'atteinte au droit à l'image se cumule avec une atteinte à la vie privée, les sanctions sont celles de l'article 9 du Code civil. Lorsque la publication d'une photographie ne porte atteinte qu'au droit à l'image de la personne, des dommages-intérêts seront accordés à la victime sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. La protection de la vie privée et particulièrement du droit à l'image est extrêmement efficace en France, comparée notamment aux pays anglo-saxons. Cette protection est également assurée par des dispositions pénales aux termes desquelles:

«Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui;

1° En captant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel;

2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé...»- (art.226-1 C.pén.).

Le droit à l'honneur

Toute personne a le droit d'exiger que les tiers respectent son honneur. L'atteinte au droit à l'honneur est constituée lorsqu'une personne est victime d'injures et de diffa­mation. On entend par injure «toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait» (loi sur la presse du 29 juillet 1881, an. 29). Il y a diffamation dans toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération. La loi française est particulièrement sensible aux atteintes au droit à l'honneur. Notre droit a mis en place une réglementation sévère destinée notamment àlutter contre toutes les formes de racisme; par exemple, la loi punit la diffamation commise «envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion».

Une personne avait déclaré au cours d'une manifestation publique que «X est le fils spirituel d'Hitler». Pour la Cour de cassation, «le reproche fait а une personne d'adhérer à cette idéologie (l'idéologie nazie), traduit par la formule "fils spirituel d'Hitler", comporte l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération». On rappellera que la Cour de cassation qualifie d'injure toute expression outrageante qui ne renferme l'imputation d'aucun fait.

L'atteinte à l'honneur d'une personne constitue dans certains cas (diffamation, par exemple) un délit correctionnel. Л côté de cette sanction pénale, l'auteur d'une atteinte à l'honneur peut être condamné civilement à verser des dommages-intérêts.

Dans un arrкt en date du 2 décembre 1998, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a affiné la définition de la diffamation: aux termes de l'article 29 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, il y a diffamation dans «toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération». La Cour de cassation a indiqué: «toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation».

Activités:

  1. Distribuez le matériel des textes parmi les membres de votre groupe.
  2. Dressez la liste du lexique nécessaire pour le sujet étudié.
  3. Composez les questions sur le sujet pour vérifier le niveau de la compréhension de vos condisciples.
  4. Lequel des droits extrapatrimoniaux vous semble le plus important? Argumentez.
  5. Faites un tableau de comparaison des droits extrapatrimoniaux dans le droit civil français et russe

Textes complémentaires

Droit à l'intégrité physique et don d'organes

La loi du 29 juillet 1994 sur le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain a fixé les règles générales en ce domaine. La révision de cette loi vient de s'achever après trois années de débats. Le projet de loi a été définitivement adopté par les parlementaires le 9 juillet 2004.

Les grands principes en matière de don d'organes sont les suivants: le prélèvement d'organe sur une personne vivante ne peut être effectué que dans l'intérêt thérapeutique direct du receveur. Le consentement exprès du donneur est requis. Le prélèvement est en principe interdit sur un mineur ou un incapable majeur mais, à titre d'exception, un prélèvement de moelle osseuse peut être effectué sur un mineur consentant au bénéfice de son frère ou de sa sœur. Le don d'organe est toujours gratuit. Le corps humain ne peut pas faire l'objet de convention à titre onéreux en raison de son caractère extra-patrimonial. On ne peut pas faire le commerce de son corps. La réforme votée en juillet 2004 élargit le champ des donneurs vivants afin de pallier la pénurie d'organes. Le texte prévoit qu'il doit avoir la qualité de père ou de mère du receveur mais que le conjoint du receveur, ses frères et sœurs, ses enfants, ses grands-parents, ses oncles et tantes, ses cousins germains ou le conjoint de son père ou de sa mère peuvent être autorisés à faire un don d'organe au receveur. Lautorisation du prélèvement sur ces personnes visées par l'article 1231-1 alinéa 2 du Code de la santé publique est délivrée par un comité d'experts; le prélèvement sur une personne décédée obéit à des règles différentes. Il peut être effectué à des fins thérapeutiques ou scientifiques. Le consentement des personnes majeures et capables est en principe présumé pour les prélèvements pratiqués. L’équipe médicale consultera le Registre national automatisé des refus de prélèvements et demandera à la famille du défunt si elle a eu connaissance d'une opposition expresse de ce dernier au prélèvement de ses organes. Pour les mineurs, le consentement de chacun des titu­laires de l'autorité parentale ou du représentant légal est exigé. Les dons et prélèvements d'organes sont soumis au principe de l'anonymat (art. 16-1 C. civ.). Si les médecins sont informés, pour des raisons médicales, de l'origine du don, ils sont tenus au secret médical et ne doivent pas la divulguer.

La distinction entre la vie privée et la vie publique des personnes publiques

Il convient d'apprécier la sphère d'intimité en fonction des circonstances. Ainsi, les loisirs d'une personne peuvent constituer un élément de sa vie privée mais, dès lors qu'ils sont exercés en public, il ne s'agit plus de vie privée au sens de l'article 9 du Code civil. De même, il existe des personnes dont le métier les amène à paraître souvent en public: hommes politiques, acteurs, mannequins... Ces personnes ont une vie publique. Relèvent de la vie publique d'un individu ses faits et gestes attestant d'une participation à des événements et manifestations publiques.

La frontière entre vie privée et vie publique est ténue, la ligne de partage entre les deux vies est difficile à établir. La vie publique s'étend souvent au détriment de la vie privée, surtout chez les vedettes et les stars du petit et grand écran dont les déboires sentimentaux sont largement étalés dans les médias. Est-ce à dire que les personnes publiques n'ont pas de vie privée? Il n'y a qu'un pas à franchir, ce dont la jurisprudence s'est abstenue. Les personnes dites publiques ont également une vie privée et un droit à ce qu'elle soit respectée. La Cour de cassation l'a maintes fois rappelé, notamment dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 5 janvier 1983. Cette affaire opposait l'actrice Isabelle Adjani et le journal Le Matin de Paris qui avait affirmé que l'actrice attendait un enfant. La Cour de cassation a estimé qu'Isabelle Adjani avait droit à réparation et en a profité pour déclarer que «comme toute personne, les artistes avaient droit au respect de leur vie privée». Dans une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre, la jurisprudence a réaffirmé ce principe. Dans son ordonnance de référé du 18 janvier 1996, le président du tribunal de grande instance de Paris à affirmé «que toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, ses fonctions, a droit au respect de sa vie privée».

Certains évènements de la vie familiale des personnes publiques peuvent être cependant considérés comme des faits d'actualité. Le but d'information poursuivi doit être proportionné au regard de la lésion de l'intérêt personnel de la personne visée. Les journalistes peuvent ainsi divulguer de tels faits sans porter atteinte à la vie privée des personnes citées. La Cour de cassation a d'ailleurs reconnu que l'incartade de l'époux d'une princesse monégasque constituait un événement d'actualité. Mais, elle a en revanche estimé que les détails qui accompagnaient cette information et les appréciations portées par le journaliste, du type «la princesse meurtrie hésite encore» constituaient «une extrapolation non nécessaire à l'information et un détournement de l'objectif d'information». Les hauts magistrats ont ajouté que l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée est «indépendante du mode compassionnel, bien­veillant ou désobligeant sur lequel elle est opérée» a aussi considéré que la révélation de la rupture conjugale d'une princesse «constituait non plus une révélation sur la vie privée, mais la relation de faits publics». Les juges ont également précisé que l'atteinte à l'intimité de la vie privée était exclue par le caractère anodin des indications parues dans la presse (en l'espèce, la mention d'une rencontre au restaurant de la princesse avec son époux).


Unité 7


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