L’histoire continue

La Révolution ne fut pas la fin de l’histoire de la propriété foncière mais le commencement d’une autre période marquée par la réapparition progressive de nouvelles superpositions de droits sur le sol à commencer par les droits de la collectivité.

Si le triomphe de la figure du Propriétaire individuel, plus ou moins assimilé au Citoyen, marque effectivement la première moitié du XIXème siècle, le droit de propriété lui-même demeure plus incantatoire qu’absolu.

Il est pour le moins paradoxal d’observer, qu’aujourd’hui encore, les chantres de la Propriété absolue appellent à la rescousse l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme, sous une forme erronée il est vrai, alors que cet article institue le droit de l’expropriation. C’est sur un autre article, l’article 2 que les rédacteurs avaient fondé le droit de propriété. Mais cet article n’est pas très convenable: le droit de propriété y est placé en bien mauvaise compagnie puisqu’il y côtoie le droit de résister à l’oppression.

Quant au fameux article 544 du code civil, sensé définir le droit de propriété, il est purement décoratif puisqu’il subordonne son exercice au respect des lois et règlements: la propriété est «le droit le plus absolu» … de respecter les règlements. Et de fait, les lois et les règlements vont enserrer la propriété foncière dans un corset de servitudes de plus en plus étroit au fil des décennies, puis au fil des années. On peut dire que depuis le début de la cinquième République, il ne s’est pas passé une année qui n’ai vu instituer une nouvelle restriction, fût-elle mineure à l’exercice des droits de propriété sur le sol.

Ces servitudes ne sont pourtant que le tribu payé la propriété aux progrès techniques ainsi qu’à la socialisation de l’espace qui par ailleurs la valorisent (l’espace parisien subit beaucoup plus de servitudes qu’un champ de betteraves, mais il vaut aussi beaucoup plus cher). Elles ne sont pas cessibles à des tiers.

Tout autre est l’apparition de véritables superpositions de droits sur le même sol, qui appartiennent à des titulaires différents qui peuvent les exercer et les céder chacun pour son compte.

Droits à produire et bâtir

Alors que tous les droits d’usage d’un terrain appartiennent théoriquement au propriétaire du terrain (tant qu’il ne le loue pas), différents dispositifs juridiques et pratiques administratives se sont développées pour transférer certains de ces droits à d’autres bénéficiaires. Quelques pirouettes sémantiques ont alors du être utilisées pour préserver les apparences. Citons quelques exemples:

- la propriété de l’espace du sous sol appartient au propriétaire du sol, … mais pas les ressources minières qui s’y trouvent

- le droit de chasse appartient au propriétaire, … mais pas nécessairement le droit d’exercer ce droit

- le droit de construire est attaché à la propriété … mais le droit de l’urbanisme, conçu comme un complexe de servitudes, le soumet à autorisation

- dans le même domaine, le plafonds légal de densité institué en 1975 va plus loin en posant que l’exercice du droit de construire (au delà d’une certaine densité) «relève» de la collectivité et que le propriétaire doit en quelque sorte racheter ce droit pour qu’il «relève» de lui-même.

- la négociation de droits à bâtir disjoint de la propriété du sol, introduite par la loi dans le cas particulier des transferts de COS de secteurs à préserver, est surtout devenu une pratique banale dans les montages d’opérations denses sans qu’une loi spécifique soit nécessaire.

- sur le modèle des «droits à bâtir», mais dans le domaine agricole cette fois, se sont développé plus récemment des pratiques de négociation de «droit à produire» entre exploitants et organismes agricoles, qui échappent totalement au propriétaire de la terre et qui ont pourtant de sérieuses répercutions sur la valeur potentielle du foncier puisque dans certaines régions la valeur d’un quota laitier, par exemple, peut être supérieur à la valeur de la terre sans quota.

Tous ces exemples, et il y en a d’autres, montrent que l’écart se creuse entre l’idée commune du droit de propriété et la réalité des pratiques économiques et des contraintes sociales qui conduisent à son progressif éclatement.

Va-t-on alors vers la fin du doit de propriété privé du sol. Loin de là, car dans le même temps, il s’étend, se renforce et se durcit.


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