Les restrictions juridictionnelles

Les tribunaux sanctionnent fréquemment l'obligation de ne pas causer aux voisins des dommages excédant les inconvénients ordinaires du voisinage.

- Les troubles anormaux du voisinage -

En cas de préjudice (bruit, odeurs, fumées...), l'auteur peut être condamné à réparer, quand ce trouble dépasse les «inconvénients normaux du voisinage».

Les tribunaux apprécient, dans chaque cas d'espèce, si ce trouble est «excessif» (fréquence, durée, moment, localisation...) et quelle est la gêne causée au demandeur.

- Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une faute;

- la jurisprudence a parfois admis que l'antériorité d'une installation pouvait priver le demandeur de son droit à indemnisation, étant donné qu'il avait eu connaissance du trouble avant son arrivée (ex.: propriétaire ayant acheté une maison à proximité d'un aéroport...); par contre, une indemnisation est possible si, posté­rieurement, les nuisances ont augmenté.

- L'abus de droit -

Ici, il s'agit de l'abus du droit de propriété; il peut y avoir plusieurs degrés:

- imprudence ou négligence: le propriétaire a l'obligation de «prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas nuire aux voisins»;

- violation d'une loi ou d'un règlement;

exemple: textes imposant la mise en place de dispositifs anti-bruits, anti-fumées..,

- abus de droit avec intention de nuire;

exemple: l'arrêt de principe Clément Boyard (1915): la Cour de cassation a retenu la responsabilité du propriétaire d'un terrain voisin d'un hangar à dirigeables qui avait construit des pylônes armés de pieux pour gêner l'évolution des appareils.

Les tribunaux considèrent qu'il y a abus de droit, même en l'absence de véri­table intention de nuire, chaque fois que le propriétaire, ayant le choix entre plusieurs façons d'agir, a adopté celle qui nuit à autrui «sans lui, apporter d'avantage appréciable».

Les restrictions résulant de la volonté

Elles résultent d'un accord entre un propriétaire et un tiers:

• servitudes conventionnelles,

• clauses d'inaliénabilité: insérées, par exemple, dans un acte de donation ou un testament: un père de famille lègue un immeuble à l'un de ses enfants en interdisant son aliénation.

Les tribunaux admettent la validité d'une telle clause, à condition qu'elle soit;

- temporaire,

- justifiée par un intérêt légitime et sérieux. Ils peuvent en ordonner la mainlevée.

Caractère exclusif

Principe Cela signifie: - que le propriétaire est seul maître de son bien, il peut s'opposer à ce que les tiers empiètent sur son droit, - que lorsqu'une chose est appropriée, elle n'appartient qu'à une seule personne.
Restrictions Elles se rencontrent dans le cas de: - la mitoyenneté - la propriété indivise - la copropriété ces deux dernières situations se sont considérablement développées.

Caractère perpétuel

Principe Le droit de propriété dure autant que le bien sur lequel il porte; ce droit est: - imprescriptible: la propriété ne s'éteint pas par le non usage: il n'y a pas prescription extinctive; exemple: arrêt Etang Napoléon (Ass. plén. 23 juin 1972); un étang avait été temporairement réuni à la mer, par l'effet de la disparition du cordon littoral, qui s'était ensuite reconstitué: les propriétaires ont été réintégrés dans leur droit de propriété; - héréditaire: la propriété ne s'éteint pas au décès du propriétaire, elle est transmise aux héritiers; - inviolable; l'art. 545 C. civ. dispose: «nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique» (ex.: expropriation).
Exception La prescription acquisitive au profit d'une personne qui peut justifier d'une possession assez longue sur un bien.

Acquisition de la proptiété

II existe de nombreuses façons d'acquérir la propriété d'un bien et différentes classifications sont possibles

Résultant d'un acte juridique - contrat - testament. Résultant d'un fait juridique: - occupation: c'est la prise de possession d'une chose n'appartenant à per­sonne (= une «res nullius) (ex.: le ramassage de fruits sauvages) - accession - possession
Entre vifs - donation, vente.. А cause de mort - succession, legs...
Mode originaire l'acquéreur ne tient son droit de personne (ex.: construction d'une maison). Mode dérivé l'acquéreur tient ses droits d'un autre: vente...

La propriété peut donc être acquise par la possession et par le contrat.

L'acquisition de la propriété par contrat concerne différents types d'actes juridiques

- contrat à titre gratuit: donation

- contrats à titre onéreux: vente, échange, apport en pleine propriété dans une société...

Il conviendra d'abord de se reporter aux règles générales concernant les contrats; une question particulière doit être étudiée: celle de la détermination du moment où s'opère le transfert de propriété et, par voie de conséquence, le transfert des risques.

Le contrat opère par lui-même le transfert de propriété: art. 1138 C. civ.: «l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes».

Conséquence: si entre la conclusion du contrat et la livraison, survient un incident (perte du bien, destruction...): la perte est supportée par l'acquéreur; le transfert de propriété entraîne le transfert des risques. Il faut toutefois différencier la portée de ce principe:

- dans les rapports entre les parties,

- à l'égard des tiers.

Le transfer de propriété entre les parties

Le principe énoncé ci-dessus s'applique pleinement: le transfert de propriété s'effectue entre les parties dès l'échange des consentements; il peut cependant connaître:

- Deux exceptions conventionnelles -

- Les parties peuvent convenir de retarder le transfert de propriété jusqu'au moment de la livraison.

- Elles peuvent insérer dans le contrat une clause de réserve de propriété (loi du 12 mai 1980), clause par laquelle le vendeur de marchandises s'en réserve la propriété jusqu'au paiement intégral du prix, bien qu'il y ait eu livraison.

• l'acheteur est simple détenteur des marchandises vendues, mais il en supporte les risques,

• le vendeur a un droit de revendication sur le bien s'il est encore dans les locaux de l'acquéreur. Une loi du 10 juin 1994 étend le droit de revendication; celui-ci:

- s'applique à des choses fongibles et semblables

- s'applique à une chose incorporée si elle peut être retirée sans dommage.

exemple: des pneus montés sur une voiture.

La loi du 1er juillet 1996 relative à «la loyauté et l'équilibre des relations commerciales» a précisé: la clause est opposable à l'acheteur et aux autres créanciers, sauf si les parties ont convenu par écrit de l'écarter.

Cette clause est fréquemment utilisée dans les relations entre commerçants car le droit de revendication est opposable même aux créanciers de l'acheteur commerçant soumis à une procéure collective; elle joue ainsi le rôle d'une sûreté.

- Deux nuances dans son application -

- s'il s'agit d'une chose de genre, le transfert de propriété est retardé jusqu'а son individualisation;

Exemple: remise de dés lors de l'achat d'une voiture neuve;

- s'il s'agit d'une chose future: la propriété n'est transmise qu'au moment de l'achèvement.

L’opposabilité du transfer de propriété aux tiers

Dans certains cas, les tiers peuvent avoir intérêt à savoir qui est propriétaire d'un bien ou encore, il peut arriver qu'un vendeur peu scrupuleux vende successivement un même bien à deux acheteurs successifs.

Règles applicables

Biens meubles Droit commun: la propriété du bien est acquise à celui qui est mis en possession (de bonne foi) le premier. Cas particulier: - certains biens meubles incorporels (ex.: fonds de commerce, brevets...) sont soumis а des règles de publicité; - certains meubles sont soumis à immatriculation: navires, aéronefs, automobiles...
Biens immeubles Le transfert de propriété n'est opposable aux tiers qu'à partir de l'accomplissement de formalités de publicité foncière. Cette publicité est effectuée à la Conservation des hypothèques où sont tenus des registres et des fichiers immobiliers (doivent également être publiées d'autres opérations portant sur les immeubles: hypothèque, bail à long terme...). Toute personne intéressée peut obtenir la délivrance de copies ou d'extraits.

Protection de la propriété

Malgré les restrictions qui lui ont été apportées, la propriété reste un droit fondamental et le propriétaire est protégé.

Atteinte Actions Exemples
Dommages causés aux biens Action civile: - en responsabilité contractuelle délictuelle ou quasi-délictuelle, - devant une juridiction pénale s'il y a eu infraction. • Accident causant des dégâts à une chose. • Incendie volontaire.
Atteintes à l'exercice du droit - Action dans le cadre d'un contrat. - Action en vue de faire respecter les obligations imposées par le voisinage. - Actions pour faire cesser les «troubles» de voisinage. • Le vendeur doit une jouissance paisible du bien vendu. • Clôtures, bornage, distances à respecter... • Bruits, fumées...
Dépossession illégitime - Action contractuelle, - Actions possessoires (réintégrande) • Dépositaire refusant de restituer un bien.
Contestation du droit - Action en revendication (immobilière ou mobilière). Cette action n'est pas susceptible de prescription extinctive • Deux personnes prétendent toutes les deux être propriétaires d'un même bien

Activités:

  1. Distribuez le matériel des textes parmi les membres de votre groupe.
  2. Dressez la liste du lexique nécessaire pour le sujet étudié.
  3. Composez les questions sur le sujet pour vérifier le niveau de la compréhension de vos condisciples.
  4. Comparez la notion du droit de propriété dans le droit civil français et russe
  5. Faites un tableau de comparaison de l’aquisition et du tranfer de la propriété dans le droit civil français et russe

Texte complémentaire

Les avatars du droit de propriété

La propriété change. Mais pas nécessairement de la façon qu’on imagine. Selon l’idée la plus répandue, la propriété privée ne cesserait de reculer, de s’éroder face aux empiétements de la sphère collective: la propriété ne serait plus ce qu’elle était. Le point de vue défendu ici est inverse: la propriété se durcie et s’étend, mais en même temps elle se fractionne et c’est ce fractionnement qui donne l’illusion d’un déclin. Peut-être faudrait-il donc mieux dire que «les» droits de propriété se renforcent et que «la» propriété décline.

La propriété d’un droit

Mais d’abord, de quoi est-on au juste, propriétaire, lorsqu’on est propriétaire d’un terrain?

La question peut sembler saugrenue. Elle est pourtant la première à se poser quand on cherche à comprendre la valeur d’un terrain et elle est plus complexe qu’elle en a l’air car un terrain n’est pas un objet mais un espace. C’est même un espace à trois dimension puisque la propriété du sol emporte la propriété «du dessus et du dessous», selon la formule déjà consacrée dans les anciens coutumiers. Cette propriété allant du centre de la terre jusqu’aux étoiles ne manque donc pas de poésie puisqu’à chaque heure du jour et de la nuit, voilà notre propriétaire titulaire de droits sur des astres différents. Mais le problème vient de ce qu’il n’est pas tout seul ou, ce qui revient au même, qu’il ne possède pas tous les droits sur son terrain.

Les prérogatives attachés au droit de propriété foncière ont beaucoup varié, selon les pays et les époques], mais le propriétaire n’a jamais eu tous les droits sur son terrain, comme un roitelet sur son royaume.

Citons en vrac les droits des occupants (même les squatters), ceux des voisins, des chasseurs, des exploitants d’infrastructures de tous ordres, de certains promeneurs (skieurs comme pécheurs de crevettes), etc., et bien sûr les droits de la collectivité nationale puisqu’un terrain appartient à un territoire et que le territoire «est le bien commun de toute la nation» comme le dit l’article placée en ouverture du code de l’urbanisme.

Le propriétaire a si peu le droit de disposer de son terrain comme il l’entend que, non seulement presque tous les changements d’usage sont soumis à autorisation, mais que l’exercice même d’un usage inchangé est encadré réglementairement.

Or, certains de ces droits concurrents à ceux du propriétaire en titre peuvent s’analyser comme de véritables droits de propriété, dans la mesure où ils sont librement négociables, même s’ils n’en ont pas la dénomination.

La propriété foncière n’est plus alors que la propriété d’un droit sur un espace, en concurrence avec d’autres droits que celui du propriétaire.

Retour au Moyen âge

D’où vient le droit de propriété foncière? Il a deux origine, comme s’il avait deux identités, l’une savante et juridique, l’autre populaire et historique.

Les tenants de l’origine savante du droit de propriété voudrait le faire descendre du droit romain. Mais il s’agit largement d’un droit romain inventé et fantasmé aux XVIIème - XVIIIème siècle, à commencer par la fameuse trilogie de l’usus, du fructus et de l’abusus due à Jacques Pothier. Dans la mentalité de l’époque où une loi ancienne était toujours jugée supérieure à une loi plus récente, la promotion d’un «droit romain» par les parlements bourgeois était en effet la meilleure stratégie pour contrer le droit féodal.

La pratique de la propriété foncière individuelle est née beaucoup plus modestement, comme un droit saisonnier, à la fin du moyen-âge. Comme le droit de récolter ce que l’on a semé sur un terrain et de transmettre librement ce droit. La récolte faite, l’usage de la terre revenait à la communauté villageoise jusqu’aux prochaines semailles.

A cette «propriété utile» paysanne se superposait par ailleurs la «propriété directe» du seigneur du lieu ou «seigneur foncier» qui sous la pression des revendications paysannes, se réduisit généralement au seul droit de percevoir un loyer dévalué et de jouir de quelques privilèges honorifiques.

Avec le développement de la monétarisation de l’économie, ces deux propriétés pouvaient se vendre parallèlement, l’une disposant théoriquement d’un droit de préemption sur l’autre (le «droit de retrait»).

La Révolution française allait achever le triomphe de la propriété utile sur la propriété directe, la seconde étant éliminée d’abord avec indemnité, puis sans indemnisation. Les armées napoléoniennes allaient ensuite se charger d’exporter à travers l’Europe le nouveau régime foncier, sauf en Grande-Bretagne où subsiste toujours l’ancien régime, pourrait-on dire, avec la superposition de deux propriétés sur le sol, le free hold et le lease hold.


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